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« Il est temps de donner une voix aux femmes » : Renée Jacobs évoque le pouvoir de la photographie de femmes

Écrit par Tom Flanagan | 29 novembre 2022


Même au XXIe siècle, le nu féminin enart continue d'évoluer. Autrefois instrumentalisé, puis ignoré, il est aujourd'hui valorisé, grâce à des photographes comme Renée Jacobs. Basée à Montpellier, Jacobs est reconnue aujourd'hui comme l'une des photographes de femmes et de relations féminines queer les plus réputées au monde. À l'occasion d'une vente rétrospective de sa carrière, nous nous sommes entretenus avec elle sur le thème de la sexualité féminine dans la photographie et sur les raisons pour lesquelles ce sujet est plus important que jamais.


« Je souhaite que les femmes soient perçues de la manière dont elles souhaitent être vues », a déclaré la photographe américaine Renée Jacobs dans une récente interview accordée à France 24. « Je nourris mes propres convictions sur les femmes et la sexualité, mais chaque femme que je photographie possède sa propre vision d'elle-même, de sa place dans le monde. Et je veux entendre ce que ces femmes ont à dire. » C'est un sentiment simple mais puissant - et une approche qui caractérise une grande partie du travail de Renée Jacobs.



Renée Jacobs (1962) - Tiana, cheveux au vent, Los Angeles, 2007

Pouvoir et contrôle


Il suffit de jeter un regard sur son portfolio pour apprécier à travers ses photographies la sensibilité et la profondeur avec lesquelles elle a exploré et donné plus d’importance au corps féminin. Des photos en noir et blanc de femmes souriantes, allongées les unes sur les autres, seins nus, regardant avec nostalgie la plage - mais toujours en pleine possession de leurs moyens. « Je pense que les femmes sont infiniment puissantes, mystérieuses, fascinantes et complexes », déclare Renée. « Nos désirs sont souvent dans l'ombre, à la périphérie de ce que nous sommes capables de comprendre ou d'articuler de manière consciente."


Le contrôle et le pouvoir qu'elle confère aux femmes ont été un sujet de controverse tout au long de sa carrière. Si son travail a été salué par la critique, il a également été boudé au fil des ans, certains commissaires d’exposition estimant que ces clichés s'apparentaient davantage à de la pornographie. Cette tentative de réduction du corps féminin, estime-t-elle, fait partie d'une tentative plus large du monde de l'art de désexualiser non seulement les femmes mais aussi le corps des homosexuels, ce qui ne fait que contribuer à la marginalisation historique de ces deux groupes. C'est cet érotisme brut et authentique qui a entraîné la censure de son travail, même lors d'une exposition de ses œuvres aux côtés d'Helmut Newton à Barcelone. 



Renée Jacobs (1962) - Amy aux rayons de soleil, Los Angeles, 2004

« Je répète souvent que la sexualité féminine en général et la sexualité lesbienne en particulier sont souvent occultées ou exploitées, et rarement valorisées. Il est extrêmement important que la photographie érotique (et les photographies de femmes en général) reflète une version plus authentique de la façon dont les femmes se perçoivent. »


Son point de vue est tout à fait juste, et l’artiste a connu un vaste succès, salué pour la nature crue et la spontanéité inhérente à son travail. Elle a aujourd’hui à son actif cinq monographies sur sa photographie et elle est régulièrement invitée dans des expositions, et publiée dans des anthologies comme celle de Taschen ainsi que dans des magazines du monde entier. Son livre « Renée Jacobs' PARIS » a été un best-seller (avec une nouvelle édition publié en 2022), tout comme la première édition de son livre, « POLAROIDS », qui a reçu le Prix international de la photographie 2022 dans la catégorie Beaux-Arts/livre.


Un voyage vers la beauté


Toutefois, pour Renée Jacobs, cette prise de conscience de la forme féminine et la cristallisation de son art ont été un véritable périple. « J'ai débuté dans le photojournalisme dans les années 1980 et j'ai travaillé comme indépendante pour des magazines et des journaux aux États-Unis. J’ai ensuite fait des études de droit et j'ai été avocate spécialisée dans les droits civiques pendant quinze ans. Lorsque je suis revenue à la photographie, les photos de femmes que j'ai commencé à prendre sont devenues le prolongement visuel de l'activisme dans lequel je m'étais engagée en tant qu'avocate. J'avais l'impression de manquer de beauté dans ma vie pendant ces quinze années en tant qu’avocate, et photographier des femmes a donc été en quelque sorte une révélation. »


Ainsi, Renée Jacobs est tout autant militante que photographe. Lorsqu'elle travaillait en tant qu'avocate spécialisée dans les droits civiques, elle a défendu certains des premiers cas de droits des homosexuels aux États-Unis. Et ce point de vue empreint de libéralisme a contribué à façonner son regard de photographe. 



Renée Jacobs (1962) - Renée Veil, Los Angeles, 2006

« Les femmes et les artistes queer sont beaucoup plus sous le feu de la critique que les hommes blancs hétérosexuels », affirme Renée. « Il est temps de repenser complètement la manière dont nous photographions les femmes, la manière dont ces images sont diffusés dans le milieu artistique et surtout qui prend la décision de les faire circuler ou pas. »


Cela signifie accueillir les représentations de la nudité et du désir d'une manière qui ne considère pas les corps des femmes ou des homosexuels comme des objets décoratifs ou des ornements, mais plutôt comme des acteurs de leurs propres récits. 


« [Le désir] inspire mon style - j'utilise souvent le mouvement dans les photographies pour représenter ce concept de désir que nous n’avons toujours un peu de mal à saisir ou à comprendre. Les nus de femmes ont généralement été l'apanage des hommes tout au long de l'histoire de l'art. Je pense qu'il est important de se réapproprier le genre. Il est temps de donner aux femmes la possibilité de s'exprimer sur la façon dont elles sont représentées, elles et leurs désirs. »



Renée Jacobs (1962) - Persy à la fenêtre, Los Angels, 2008

Accorder aux femmes un espace et une voix au sein de l'univers de la photographie est un processus en cours. Alors que les photographies de relations homosexuelles masculines sont souvent très appréciées de la critique grâce au travail d’artistes tels que Robert Mapplethorpe, Les représentations de femmes homosexuelles sont moins fréquemment acceptées. Jacobs tente de faire évoluer ce constat et son style en est le reflet ; une tentative visant à considérer les femmes dans toute leur diversité.


« Au départ, mon travail s'inscrivait davantage dans le genre classique du nu, avec des nus sans tête, sans visage, sculpturaux. Je ne photographie plus de cette manière. Mon travail est devenu beaucoup plus érotique en cherchant à capter la globalité des femmes que je photographie - leurs visages, leurs expressions. »


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